NOTE DE SYNTHÈSE
By Simone Toussi
La Convention de 2005 de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles est cet accord historique par lequel la communauté internationale a officiellement reconnu la double nature, à la fois culturelle et économique, des expressions culturelles contemporaines produites par les artistes et les professionnels de la culture. Mais l’application de ses directives s’est heurté aux circonstances imposées par la révolution numérique, au point de conduire les Parties à une révision de ces directives afin d’adapter les exigences de la diversité des expressions culturelles aux défis de l’environnement numérique.
Les Enjeux de la diversité des expressions culturelles à l’ère du numérique
Lors de la célébration du dixième anniversaire de la Convention en 2015, les débats ont révélé plusieurs enjeux de la digitalisation aussi bien sur la diversité culturelle en soi que sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. En substance, il en est ressorti que le numérique ne produit pas d’impact positif ou négatif sur la diversité des expressions culturelles, mais peut au contraire agir comme un amplificateur des tendances et que ce sont les plans d’actions spécifiques aux États, aux entreprises, aux organisations de la société civile et aux individus qui, grâce aux nouvelles technologies, peuvent avoir un effet positif ou négatif sur l’écosystème culturel. Plusieurs éléments apparaissent comme avantageux ou désavantageux si le numérique n’est pas bien apprivoisé.
Une diversité des expressions culturelles grâce au numérique
Le premier avantage du numérique qui apparaît est l’accès du public aux contenus culturels qui devient plus facile et à un coût relativement plus faible. De plus, le numérique évolue avec des technologies qui permettent d’inclure plus facilement les cultures indigènes sur un marché international, favorisant ainsi l’inclusion des minorités. Cela a pour corollaire de faciliter la création, la production et la diffusion culturelles, en brisant les potentielles barrières de communication, géographiques ou éducatives. Cela réduit également, par ricochet, la fracture numérique pour certaines populations considérées comme marginales: populations rurales, personnes handicapées, minorités ethniques, etc.
Dans le même ordre d’idée, le numérique ouvre de nouveaux marchés à tous les acteurs culturels en éliminant les frontières, en renforçant l’efficacité de la distribution, en accroissant la communication (qui devient surtout directe et instantanée) avec les consommateurs. De plus, il favorise la participation effective, rapide et plus efficace de toutes les parties prenantes du secteur culturel, en offrant des plateformes numériques de collaboration dont la seule condition d’utilisation est la disponibilité d’une connexion internet et de l’infrastructure adéquat. Ce quasi “sans limites” qu’apporte le numérique représente un grand terrain fertile pour la promotion de la diversité des expressions cultuelles.
Qu’en est-il de la protection, de la sécurité et des droits humains dans le champs culturel à l’ère du numérique? Les concertations entre les Parties de la Convention ainsi que quelques recherches basées sur l’observation dans diverses sociétés ont révélé quelques défis que les acteurs auront cependant à relever pour profiter des avantages de la technologie numérique.
Relever quelques défis
Les défis sont de différents ordres, compte tenu des divers aspects liés à la production, la distribution et la consommation des produits culturels, aux parties prenantes, à leurs besoins respectifs. Mais l’un des défis majeurs à la diversité des expressions culturelles à l’ère du numérique se trouve être l’alphabétisation numérique, car plusieurs populations dans plusieurs parties du monde, notamment en Afrique, n’ont ni accès ni connaissance de l’internet. Cela constitue dès la base un désavantage quant à la présence de leurs expressions culturelles sur l’internet, et donc sur la scène internationale. Face à cette fracture numérique, certaines cultures se développent, gagnant en visibilité au détriment des autres.
Le corollaire de la fracture numérique est la production culturelle lente et de mauvaise qualité avec un champ de distribution très réduit, contre un vaste marché international de plus en plus exigeant et relativement proche et accessible, dont profitent les régions du monde plus numérisées. La conséquence à moyen ou à long terme serait un impérialisme culturel au détriment des populations sous connectées, ce qui est en tous points contraire à la diversité des expressions culturelles.
Pour y remédier, les pays Parties de la Convention adoptent déjà plusieurs mesures et en développent d’autres à mesure que le numérique évolue. La question qui se pose est donc de savoir comment adapter les politiques numériques existantes à la Convention? Quels projets contribuent à l’élaboration d’un scénario durable pour garantir la diversité du contenu, des acteurs et des publics culturels? Et c’est à ce niveau qu’il a importé de réviser la Convention d’un point de vue de la gouvernance, l’accessibilité et l’éducation numériques comme autant d’enjeux nécessaires à la diversité des expressions culturelles à l’ère du numérique.
Pallier à la fracture numérique, promouvoir l’inclusion
S’inspirant des conclusions du débats des dix ans de la Convention, des rapports d’experts et d’autres rapports d’études, la sixième session Conférence des Parties tenue à Paris en juin 2017 a approuvé de nouvelles directives opérationnelles pour la mise en oeuvre de la Convention dans l’environnement numérique. Entre autres principes directeurs imposant l’éducation numérique comme l’une des mesures primordiales à l’émergence de la diversité culturelle dans le monde actuel, trois principes ressortent:
- “encourager l’utilisation des outils numériques et assurer l’acquisition des compétences numériques par le biais des programmes d’éducation” (8.3).
- “renforcer le niveau de compétence numérique du secteur de la culture et du grand public, et à favoriser l’acquisition de savoir-faire et compétences nécessaires pour participer pleinement aux mutations en cours, tant sur les plans de la création, de la production, de la distribution, de la diffusion que de l’accès à des expressions culturelles diverses dans l’environnement numérique” (12).
- “mettre en place des programmes d’alphabétisation numérique, ainsi que des programmes d’éducation et de sensibilisation du public à l’utilisation de l’Internet et à la maîtrise des outils numériques” (17.7).
Il reviendra à chaque partie d’appliquer ces directives selon les dispositifs politiques, légaux et opérationnels nationaux en matière de culture et du numérique.